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Les Fleurs du mal: Women and Beauty

“La Beauté” (Baudelaire & Sculpture)   |   “L’Irréparable”
“À une dame créole” (Baudelaire & Exoticism)


La Beauté

Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études;

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”

Baudelaire on Sculpture: “Pourquoi la sculpture est ennuyeuse”

“La sculpture a plusieurs inconvénients qui sont la conséquence nécessaire de ses moyens. Brutale et positive comme la nature, elle est en même temps vague et insaisissable, parce qu’elle montre trop de faces à la fois. C’est en vain que le sculpteur s’efforce de se mettre à un point de vue unique; le spectateur, qui tourne autour de la figure, peut choisir cent points de vue différents, excepté le bon, et il arrive souvent, ce qui est humiliant pour l’artiste, qu’un hasard de lumière, un effet de lampe, découvrent une beauté qui n’est pas celle à laquelle il avait songé. Un tableau n’est que ce qu’il veut; il n’y a pas moyen de le regarder autrement que dans son jour. La peinture n’a qu’un point de vue; elle est exclusive et despotique: aussi l’expression du peintre est-elle bien plus forte.”

— Charles Baudelaire, Curiosités esthétiques. Paris: Éditions de la nouvelle revue Française, 1925.

 

It is not known if Baudelaire was thinking of a particular sculpture at the time he wrote “La Beauté,” and several critics have argued that it could refer to the Venus de Milo. This seems indeed to be Rodin’s interpretation in the first illustration he made for the poem in 1857: the female figure is leaning to one side and her arms are blurred by what seems to be her hair, creating an attitude that is reminiscent of the famous antique sculpture. For many, though, the poem does not refer to any sculpture in particular but is rather a reflection on beauty and art, in particular sculpture.


Rodin, August, 1840-1917.
"I am beautiful" ("Je suis belle") (1882)
Bronze cast 1926. Size: 27¾ x 12 x 12½ inches.
(70.5 x 30.5 x 31.8 cm); reproduced with the permission
of the Philadelphia Museum of Art:
Bequest of Jules E. Mastbaum, 1929.
Photo by Graydon Wood.

The two figures of I am Beautiful were originally separate entities designed for Rodin’s big scale project, The Gates of Hell. Rodin frequently used his works in various contexts: the man in I am Beautiful was The Falling Man in The Gates of Hell, while the woman was Crouching Woman in the same monumental composition. In 1882, Rodin united these two figures and presented a cast entitled The Rape. The sculpture presents a vivid contrast between the woman in a foetal position and the man standing erect. When the bronze version was cast, Rodin changed the title to Je suis belle and carved the first stanza of Baudelaire’s poem at the base of the work. For an unknown reason, Rodin changed the last verse of the poem to “étant eternel et muet ainsi que la matière.” This late re-reading suggests Rodin’s deep admiration for Baudelaire, as well as a changing conception of beauty; in the drawing for the 1857 edition of Les fleurs du mal, Rodin had illustrated this poem with an image of a reclining woman encircled in the halo of her hair, presenting a much more serene interpretation of the poem. In the sculpture, however, the original title of The Rape as well asthe opposition between masculine and feminine, vertical and horizontal, and round and erect shapes suggest a vision of the “rêve de pierre” as tainted by a certain violence and conveys a message that is more difficult to decipher.

 

 

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L’Irréparable

Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
Qui vit, s'agite et se tortille
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords?

Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi?
Dans quel philtre? — dans quel vin? — dans quelle tisane?

Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais,
À cet esprit comblé d'angoisse
Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais,

À cet agonisant que le loup déjà flaire
Et que surveille le corbeau,
À ce soldat brisé! s'il faut qu'il désespère
D'avoir sa croix et son tombeau;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire!

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?



L'Espérance qui brille aux carreaux de l'Auberge
Est soufflée, est morte à jamais!
Sans lune et sans rayons, trouver où l'on héberge
Les martyrs d'un chemin mauvais!
Le Diable a tout éteint aux carreaux de l'Auberge!

Adorable sorcière, aimes-tu les damnés?
Dis, connais-tu l'irrémissible?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
À qui notre coeur sert de cible?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés?

L'Irréparable ronge avec sa dent maudite
Notre âme, piteux monument,
Et souvent il attaque ainsi que le termite,
Par la base le bâtiment.
L'Irréparable ronge avec sa dent maudite!

— J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal
Qu'enflammait l'orchestre sonore,
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore;
J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal

Un étre, qui n'était que lumière, or et gaze,
Terrasser l'énorme Satan;
Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase,
Est un théâtre où l'on attend
Toujours, toujours en vain, l'Être aux ailes de gaze!

— Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”

This poem is one among several implicitely referring to Marie Daubrun, an actress with whom Baudelaire fell in love. The poem follows more or less precisely the scenario of La Belle aux cheveux d’or, a play in which Marie had the main role. The references to the “belle sorcière” and to the “philtre” allude to the play, as do several other verses, including the last stanza: indeed La belle aux cheveux d’or had a veil made of gauze and triumphed over the demon at the end of the play. The subject of the poem, though, remains the “irréparable,” that is, the remorse that is described throughout the text as a force devouring both the soul and the body of the poet.

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À une dame créole

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”

Baudelaire and Exoticism

At the age of 20, Baudelaire embarked on the Paquebot des mers du Sud, whose final destination was Calcutta. The trip had been planned by Baudelaire’s mother and stepfather, general Aupick, who were both worried about his “melancholia” and his taste for literature. They thought that seeing the world might bring him back to reality. Reluctantly Baudelaire traveled first to Mauritius, and then to Bourbon (now La Réunion). He never went as far as India: once in Saint Denis, he refused to go farther and he waited for the next ship sailing back to France. The aborted journey seems to have been a difficult experience for the young poet, yet it inspired him in many ways. Several later poems are related to this voyage, with some, such as “Le cygne,” focusing on the experience of exile.

Baudelaire wrote “A une dame créole” during the 1841 trip to Bourbon. He dedicated it to Emmeline de Bragard, his host in Mauritius, and sent the first version to her husband in 1841 as thanks for their hospitality.


Pauquet, Hippolyte Louis Emile, b. 1797.
“Mulatresse, Bourbon”
In : Les Français peints par eux-mêmes,
encyclopédie morale du dix-neuvième siècle
. Vol. 8.
Paris : L.Curmer, 1840.
John Hay Library Starred Books Collection

 

 

The eight volumes of Les Français peints par eux-mêmes present short texts about social types and stereotypes, each of them illustrated by a color print. The volumes were published between 1840 and 1842, around the time Baudelaire was traveling to Bourbon. The print shown here is an illustration for the chapter by Eugène Aubert on “Le créole de l’Ile Bourbon.” As can be inferred from the text and the print, the creole woman was a point of focus in the European vision of the Islands — a source of inspiration and fascination.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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