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Les Fleurs du mal: From Morbidity to Exotic Lights

“Une gravure fantastique”   |   “L’âme du vin”   |   “La vie antérieure”
“L’Invitation au voyage”   |   “L’amour et le crane” and “Le Gouffre”


Baudelaire’s work is frequently associated with themes such as morbidity, death, and decay. He was sometimes deeply touched by works of art dealing with such themes as Haynes’ Death on a Pale Horse, a Gothic interpretation of the fourth Horseman of the Apocalypse. This image inspired Baudelaire’s “Une Gravure fantastique.” Conversely, Baudelaire also wrote poems with a sinister subject that in turn inspired artists. “Une Charogne,” for instance, is a poem that reflects on the decay of a young woman’s body as it is devoured by insects. Manet made several sketches to illustrate this morbid text.

At the other end of the spectrum, Matisse profoundly disagreed with such a restrictive vision of Baudelaire’s work. For Matisse, Baudelaire’s work was more than merely macabre. Matisse had a predilection for Baudelaire’s poems dealing with exoticism, travel and sensuality, and his pictorial renditions are very colorful with bright and contrasting tones.


Une gravure fantastique

Ce spectre singulier n'a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu'un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique,
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux,
Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux.
Le cavalier promène un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,
Le cimetière immense et froid, sans horizon,
Où gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne,
Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”

J. Haynes (after John Hamilton Mortimer)
"Death on a pale horse
"
Etching, 1784
British Museum, London


Baudelaire’s poem “Une Gravure fantastique” was inspired by John Hamilton Mortimer’s Death on a Pale Horse, exhibited in 1775 at the Society of Artists. Although the original drawing has been lost, we are familiar with it today through an etching by John Haynes. It represents a famous biblical scene from the Book of Revelation in which the four horsemen of the Apocalypse appear one after the other to Saint John. The first three horsemen are traditionally associated with war, famine, and plague or desolation, while the fourth horseman riding a “pale horse” represents death. The drawing has several characteristics that are typical of the 18th century British Gothic movement: a propensity for the morbid, a threatening décor, grotesque creatures, and distorted bodies. In Haynes’s etching the eye is drawn to the horseman’s head which contrasts with the light shade of his body. Baudelaire also insists on the horseman’s crown, although his description seems slightly ironic: the crown is a “diadème affreux sentant le carnaval” that is “grotesquement campé” on the horseman’s skull. Indeed even the horse is foaming “comme une épileptique.”

[Image courtesy of Apocalyptic Ideas in Old English Literature.]

 

 

 

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L’âme du vin

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles:
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;

J'allumerai les yeux de ta femme ravie;
À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur! »

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

Rops, Félicien
[Frontispiece]
In : Histoire anecdotique des cafés & cabarets de Paris :
avec dessins et eaux-fortes de Gustve Courbet,
Léopold Flemeng et  Félicien Rops.

Paris : E. Dentu, éditeur, 1862.
John Hay Library Starred Books Collection

 

Baudelaire’s erratic behavior sometimes led to strained relations with his friends and contemporaries. But this was not the case of Félicien Rops: he was one of Baudelaire’s genuine friends and admirers. The two lived together for a time, and after the failure of Baudelaire’s collaboration with Félix Bracquemond on the frontispiece for the second edition of Les Fleurs du mal, he chose Rops to design what eventually became the frontispiece for the 1866 edition of Les Épaves. In the drawing, the tree of knowledge of good and evil is pictured as a skeleton under which the seven capital sins blossom.

The poem “L’Âme du vin” captures the fraternal spirit in which Rops’s drawing was perhaps conceived. The poem was first published in 1850 in the Magasin des familles and resembles a passage in Du vin et du hachisch that describes wine’s fraternal discourse. More importantly, the poem captures the democratic and revolutionary atmosphere of the Second Republic and may reflect Baudelaire’s short-lived optimism and faith in radical politics.

 

 

 

 

 

 

 

 

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La vie antérieure

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”

 

Matisse painted La Tristesse du roi late in his career. This work is a reflection on his past and on the pleasures that marked his life. It was inspired by Baudelaire’s poem “La vie antérieure” in which the poet remembers moments of past pleasure. The “riche musique” is represented by the guitar player at the center of the composition, while the woman dancing on the right could be an incarnation of the “voluptés calmes.” A reflection on old age and remembrance, La Tristesse du roi also has a biblical source: it has been related to the figure of Salome dancing for Herod.

Matisse, Henri, 1869-1954
"La Tristesse du roi" (1952)
Centre Georges Pompidou

 

 

 

 

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L'Invitation au Voyage


Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.




Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

 

 

 

 

— Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”


 

 

Matisse painted Luxe, calme, et volupté in 1904, very early his career. It was bought by Paul Signac, one of the painters who created the pointillist technique. This painting is pointillist in some respects, although Matisse’s brushstrokes are not as precise as George Seurat’s dots. Matisse later criticized the composition, arguing that it is spoiled by the small brushstrokes. Although he called the painting Les baigneuses in reference to Cézanne, the work was inspired by Baudelaire’s “Invitation au voyage.” Matisse renders the light described in the poem by vibrant contrasts of colors.

Matisse, Henri, 1869-1954
"Luxe, calme, et volupté" (1904-1905)
Museum of Modern Art

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L'Amour et le crâne

L’Amour est assis sur le crâne
   De l’humanité,
Et sur ce trône le profane,
   Au rire effronté,

Souffle gaiement des bulles rondes
   Qui montent dans l’air,
Comme pour rejoindre les mondes
   Au fond de l’éther.

Le globe luminuex et frêle
   Prend un grand essor,
Crève et crache son âme grêle
   Comme un songe d’or.

J’entends le crâne à chaque bulle
   Prier et gémir :
— « Ce jeu féroce et ridicule,
   Quand doit-il finir?

Car ce que ta bouche cruelle
   Éparpille en l’air,
Monstre assassin, c’est ma cervelle,
   Mon sang et ma chair ! »

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, “Spleen et Idéal”


Le Gouffre

Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
— Hélas ! tout est âbime, — action, désir, rêve,
Parole ! et sur mon poil qui tout droit se relève
Mainte fois de la Peur je sens passer le vent.

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l’espace affreux et captivant…
Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.

J’ai peur du sommeil comme on a peur d’un grand trou
Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où ;
Je ne vois qu’infini par toutes les fenêtres,

Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l’insensibilité.
— Ah ! ne jamais sortir des Nombres et des Êtres !

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1868 ed.)

Redon, Odilon, 1840-1916
Left: “Cul de lampe”
Right: “Sur le fond de nos nuits
In : Oeuvre graphique complet / Odilon Redon ; Artz & DeBois, editeurs.
La Haye : [G.J. Nieuwenhuizen Segaar, 1913].
John Hay Library Starred Books Collection

From the very beginning of Odilon Redon’s career, his graphic work was largely inspired by Baudelaire’s poetry. His very first series of lithographs, Dans le rêve, share themes and patterns with Baudelaire’s texts: the two artists have a similar image of nightmares and morbidity. In 1890, twenty years after his first work, Redon produced eight drawings to illustrate Les Fleurs du mal, among them Sur le fond de nos nuits which was designed after a line in Baudelaire’s poem “Le gouffre.” Redon’s vision of the nightmare described in the poem includes severed heads and a phantasmagoric, unrecognizable space. Typically, his prints are saturated with tropes such as eyes, spiders, balloons, or severed heads. The second print presented here, Cul de lampe, refers to “L’amour et le crâne,” a poem that incorporates several of Redon’s favorite tropes: “le crâne,” “des bulles rondes,” and “le globe.” All have in common a round shape, one that actually structured Redon’s prints throughout his career.

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